ECOUTE SONORE « Mon corps opératoire, une dérive bariatrique »

dimanche 12 mars | 16h00

ECOUTE SONORE "Mon corps opératoire, une dérive bariatrique"

ECOUTE SONORE « Mon corps opératoire, une dérive bariatrique »

Le docu sonore « Mon corps opératoire, une dérive bariatrique »(55′): 

ENTREE LIBRE

« Finalement, je suis devenue obèse. Alors, à 43 ans, quand j’envisage la chirurgie bariatrique, je découvre la fabrique de mon surpoids et se déconstruit peu à peu en moi l’image d’une monstruosité ».
A travers un récit intime et intragénérationnel d’émancipation, le documentaire engage une réflexion socio-politique qui décortique les conséquences obésogènes de la grossophobie.

Documentaire de création de Stéphanie Pihéry co-produit par Le Labo de la Radio Télévision Suisse, avec le soutien de la bourse Brouillon d’un rêve de la SCAM

Le propos et le doc un peu plus précisément :
Le doc sonore est un sujet intime, puisque j’en suis la protagoniste principale. Je suis obèse, depuis des années je lutte contre cette irrémédiable fuite en avant de mon poids, qui semble irréversible et indomptable. J’amorce alors un parcours médical et intime, psychologique et éthique autour de la possibilité de me faire opérer d’une  chirurgie bariatrique, par l’entremise d’un journal de bord sonore. Cette démarche me conduit à une réflexion plus large sur la place des gros dans la société, la réponse médicale qui lui est apportée, mais aussi progressivement sur la question de la norme, et sur la fabrique d’une stigmatisation. Je parle depuis mon corps, j’assume ma subjectivité, mais je souhaite que des résonances et des discordances, enrichissent mon propos. Les voix plurielles du documentaire offrent ainsi un parcours réflexif et non réquisitoire.

C’est à travers des sons glanés au fil de mon parcours pré-opératoire que j’ausculte ce qui se joue « entre », dans les couloirs, les salles d’attente, les discussions vagues autour des rendez-vous, et que mes réflexions chuchotées au cœur de ces « sas » hospitaliers, permettent à ma pensée de cheminer, à ma posture politique de se définir et à mon libre arbitre de s’affirmer, en décidant peut-être de m’octroyer le droit de vivre ce corps sans chercher encore à le contenir .
Ces couloirs d’hôpitaux, ces boyaux impersonnels sont comme ce tube digestif qu’on veut raccourcir, des espaces actifs, porteurs de mutations, dans lesquels je digère et assimile informations et émotions.

Et si creuser et observer objectivement les injonctions esthétiques relatives dans lesquelles j’évolue depuis toujours me permettait enfin de prendre de la distance par rapport au rejet de mon corps.

Ce n’est plus à démontrer, l’obésité est un mal contemporain croissant. Fruit de la « mal bouffe », d’habitudes culturelles liées à la sur-consommation, à des pratiques alimentaires liées au contexte socio-économique, elle est moins souvent montrée comme le résultat d’une réelle discrimination : le rapport au corps des femmes en surpoids, grosses, qui luttent pour ne plus le rester, qui de régimes en régimes tentent en vain de dompter leur corps, les entraînant inéluctablement vers l’obésité.

La grossophobie est l’une des causes de l’obésité et si elle commence à se faire entendre, elle reste l’un des derniers stéréotypes sur lequel on se penche tout juste et encore discret sur la place publique.

Face à ce fléau sanitaire, social et psychologique qu’est l’obésité, aujourd’hui, la seule réponse est médicale, renaissance pour certains, mutilation pour d’autres : anneau gastrique, « sleeve » et « by pass » transforment les opérés en personnes minces ou amincies mais qui fragilisent leur santé à long terme.

On ne traite donc pas l’une des causes, qui stigmatise et rejette les corps gros, mais on traite la conséquence par des opérations irréversibles.
A travers la compréhension de la fabrique historique du rapport au beau, de la construction systématique et universelle d’injonctions au corps des femmes, une question m’apparaît progressivement : qu’est-ce que vivre, être au monde, vivre son corps…

D’une opération miracle, de la baguette magique espérée, mirage d’un désespoir face à mon corps trop longtemps rejeté (par moi-même comme par la société), je me projette à travers ce documentaire, et les auditeurices dans mon sillage, dans un parcours vers une autre façon de vivre, dans laquelle une forme de spiritualité, de rapport à la vie et à son corps pourrait être une autre forme de réponse à une problématique de santé, de surpoids, d’exclusion…
Dans laquelle aussi je ne suis plus seule face à un problème qui serait individuel et nombriliste mais où cette question des corps hors norme viendrait se joindre aux multiples tentatives pour lutter contre les  assauts, si nombreux d’un système déshumanisé : Celui qui pousse les gens à se focaliser sur l’avoir et l’apparence plutôt que de les accompagner dans la construction du commun. Être au monde et s’exposer pour mieux participer, voilà bien de quoi il s’agit!

Lien : http://www.airfrais-radio.fr/